Pourquoi je suis d’accord avec Ségolène Royal

Publié le par desirs d'avenir 95

Ségolène Royal, à Paris, le 30/11/2009.

Ségolène Royal, à Paris, le 30/11/2009. | MAXPPP

L’ancienne candidate socialiste en appelle au référendum sur les retraites. Considérant que «ce serait un vrai progrès démocratique que les Français puissent se prononcer sur un enjeu de société aussi important.» Mon dieu, nous sommes d’accord.

Ce samedi 2 octobre, on peut parier que des millions de Français vont défiler dans les rues contre la réforme des retraites voulue par Qui-nous-savons. Les syndicats jouent gros, si la mobilisation fléchit -ce sera forcément le cas dans chiffres officiels- il va être difficile pour eux d'appeler à de nouvelles journées de mobilisation après le 12 octobre. Et de continuer à faire pression sur les sénateurs et le gouvernement alors que le texte qui recule l’âge de la retraite arrive au Sénat. De toutes façons, sauf catastrophe et encore, le gouvernement, enfin l’Elysée, n’entendra rien, se montrera inflexible. Et s’il faut lâcher des miettes, ce sera le plus tard possible pour donner du poids à des concessions qui n’en seront pas dans le fond. La gauche quoi qu’elle en dise est difficilement audible : ses dénonciations d’une réforme injuste et qui épargne les riches, passent dans l’opinion publique. Mais personne ne voit vraiment comment arrêter la machine gouvernementale. Plus grave, l’affirmation des socialistes de revenir dès 2012 à 60 ans, sans modifier l’augmentation de la durée de cotisation, ne rassure personne. Bref, l’impasse. C’est là où Ségolène Royal (dans Libération du 1er octobre) a peut-être eu un éclair de, disons, génie ?

Mal : Oui ça fait mal de dire ça. J’ai un contentieux assez lourd avec l’ancienne candidate socialiste. En 2007, j’ai passé mon temps à relever ce qui n’allait pas au risque de me faire de sérieux ennemis à gauche, considérant que j’avais joué contre « mon camp. » « Mon camp », déjà, supposerait quelques explications sur les relations un peu complexes, voires complexées d'alors entre le PS et la presse. Mais ce n’est pas le sujet.

Aujourd’hui, sur la question des retraites, je suis obligée de reconnaître que la présidente de la région Poitou-Charentes fait preuve d’une grande intelligence. D’abord elle n’a pas hésité à aller sur France 2, dans A vous de juger, pour s’opposer au nom du PS à la réforme du gouvernement, alors que Martine Aubry, Premier Secrétaire du parti, elle, n’avait pas voulu répondre à l’invitation. Ensuite, Ségolène Royal a balancé l’idée du réferendum, qui a mon avis pourrait être une excellente solution pour sortir de la nasse. Par le haut. Dans le fond, on demande assez peu souvent leur avis directement aux Français dans ce pays.

Nasse : Or donc, les partenaires sociaux n’en veulent pas. Pour certains syndicats ce serait purement et simplement signer leur acte d’impuissance à négocier (ce qu’ils disent tout haut déjà), à s’opposer (ce qu’ils n’espèrent pas à avoir à dire trop vite, en comptant les manifestants). Dans le front syndical, en loucedé, on explique que de toutes façons, certains comme la CFDT ou la CGT, pour des raisons d’équilibre interne, voudraient qu’on en finisse vite, sans que la France des salariés, des fonctionnaires aidés des étudiants de l’Unef s’embrase sur un tel sujet. A la CGC, Danièle Karniewicz patronne de la Cnav (caisse nationale d’assurance vieillesse) est un agent très efficace pour défendre la réforme Woerth, à quelques nuances près. A tel point, qu’on raconte qu’elle se voit déjà ministre dans le prochain gouvernement…

Néanmoins, les stratèges syndicaux feraient bien de faire un rapide bilan coût/avantage : laisser imposer la réforme, même avec quelques aménagements mineurs, après avoir appelé à la manifestation unitaire 4 fois, va leur coûter cher. Déjà que le taux de syndicalisation en France est bas, je ne pense pas que demain leurs actions vont remonter. Méprisés par Qui-nous-savons, décrédibilisé dans les entreprises, considérés comme impuissants par les jeunes, je conseille de fermer boutique. Ou alors de rester présent dans le secteur public, où ils ont encore une petite influence. Mais depuis 2003, la réforme Fillon sur les retraites, la réforme de la représentativité qui va nettoyer le paysage syndical français sans pitié, la loi sur le travail dominical ou les atteintes aux 35 heures, je ne donne pas cher de leur peau après 2012, si Qui-nous-savons repart pour un tour. Et il n’y aura pas grand monde pour les défendre. C’est assez malheureux.

Pilule : Alors la pilule est sans doute difficile à avaler. Réclamer le référendum aujourd’hui, c’est se mettre dans les pas de Ségolène Royal et risquer l’amalgame politique. Mais que je sache, les syndicats étaient en pointe quand le référendum pour rire, pardon d'inspiration populaire, s’est tenu sur le statut de la Poste l’an passé. On a vu de nombreux syndicalistes tenir les bureaux pour la votation citoyenne. Ils auraient dû faire pareil dans ce cas. D’ailleurs, si la gauche était d’accord avec Ségolène Royal elle réclamerait et essayerait d’organiser un référendum d’initiative populaire sur le sujet. La disposition était dans la dernière révision constitutionnelle de 2008. Moyenne la demande d’1/5 des parlementaires (200 à peu près), avec la signature de 10 % des électeurs inscrits, on pourrait imaginer une question posée sur la réforme des retraites, ou la question de l’abrogation du texte. Evidemment, ça c’est dans les textes. Si l’article existe bien dans la nouvelle constitution (article 11), il faudrait qu’une loi organique rende son utilisation possible. Bizarrement, on l’attend toujours. Et bizarrement, la gauche qui pourrait en faire un cheval de bataille ne dit pas grand chose sur le sujet. Et ma paranoïa politique reprend le dessus : si ça se trouve, à gauche, comme dans les syndicats, ils se trouve certains élus pour considérer que cette réforme il faut la faire, y compris comme ça. Et que ça sera toujours ça de moins à faire en 2012. C’est aller vite en besogne, et c’est oublier que même si les salariés ne partent pas en grève insurrectionnelle reconductible ce soir, ils sont nombreux à se sentir mal avec cette histoire. La retraite à 60 ans, à taux plein, c'est un des derniers trucs qui fait la France, avec le fromage, les TGV et les hôpitaux publics. Et à ruminer dans leur coin, en mettant droite-gauche-syndicats dans le même panier de mécontentement. Généralement, la frustration, ça se paie très cher pour tout le monde aux élections.

 

 

 

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