Royal dans son labo

Publié le par desirs d'avenir 95

Elle teste en Poitou-Charentes sa démocratie participative et ses jurys citoyens, en attendant des primaires socialistes qu’elle rêve transparentes.

Elle ne cède jamais. Sur rien. En octobre 2006, Ségolène Royal avait lancé l’idée de "jurys citoyens" tirés au sort pour surveiller les élus."Outrancièrement populiste!",répliquait son rival de l’époque, Nicolas Sarkozy. Mais cette surveillance populaire qu’elle réclamait pour les autres, Royal se l’applique à elle-même, qui a mis en place des "jurys citoyens" en Poitou- Charentes. Et il fallait la voir, vendredi, dans l’hémicycle du conseil régional, jubiler en regardant le petit film sur cette expérience, pour comprendre la méthode Royal.

L’ancienne candidate venait d’ouvrir les "sixièmes rencontres Europe-Amériques sur la démocratie participative", sa marque de fabrique. Elle trônait au milieu de chercheurs venus du monde entier et Royal écoutait en souriant des Picto-Charentais tirés au sort pour juger sa politique régionale de lutte contre le changement climatique. Une prof, une retraitée, un ouvrier en bâtiment, tous s’avouant heureux de participer et de ne plus "se taire pendant tout un mandat". "La politique par la preuve", comme elle dit souvent?

 

Vingt minutes plus tard, Royal recadrait de manière autoritaire la première intervenante de ce colloque d’un très bon niveau qui avait le tort à ses yeux de lire son exposé. "Elle a confondu ses invités et ses affidés", s’excusa en riant jaune son entourage auprès des autres spécialistes de la "démo part", choqués par la méthode.

Ainsi va Ségolène Royal, en rupture avec les usages, tellement sûre d’elle-même et de son leadership, tout en pestant sincèrement contre la "démocratie inégalitaire"! Ses questions n’ont pas varié: "Comment les catégories populaires, celles qui ont le moins l’habitude de prendre la parole peuvent-elles participer? Comment ne pas laisser aux marges ceux qui n’ont pas les codes?" Et Royal, chantre de la sagesse du peuple contre le savoir des experts, poursuit son chemin picto-charentais, dans une région qu’elle présente comme son "laboratoire".

Pour l’instant, ce labo suffit à son bonheur. A ses proches qui la sondent sur la prochaine présidentielle, Royal répond inlassablement: "Ne me mettez pas la pression." Simple variante du "laissez-moi travailler" de DSK? "Ségolène n’est pas dans l’obsession présidentielle, vraiment. Les Français n’en sont pas du tout à se demander 'qui sera candidat, qui sera le mieux placé', Ségolène doit répondre aux attentes des Français et veut peser dans le débat d’idées", plaide son porte-parole, le député-maire de Laval, Guillaume Garot. Mais pour pouvoir se décider le moment venu, Royal démine le terrain. Les relations se veulent "apaisées", selon l’expression de ses proches, avec Martine Aubry.

Les deux anciennes rivales du congrès de Reims se sont vues, le mois dernier, dans les locaux parisiens de Royal, boulevard Raspail. Elles doivent se revoir très vite. La présidente de Poitou-Charentes ne participera pas, samedi prochain, à la convention du PS sur le nouveau modèle de développement. Mais elle contribuera au débat sur la rénovation du parti, qui se conclura le 3 juillet. Royal a longuement discuté avec Arnaud Montebourg, qui en pilote les travaux. Elle veut que les primaires se passent bien. Pour elle, si elle choisit de se lancer dans la course, et pour les autres. Son mantra? La "transparence". Son rêve? Que le peuple de gauche vienne voter dans les mairies, sur des listes électorales incontestables. Sans aucun soupçon, cette fois.

 

Le JDD du 23/05/2010

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